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Le CICR et les groupes armés : un dialogue historique

Des dizaines de millions de personnes à travers le monde vivent dans des zones contrôlées par des groupes armés non étatiques ou dans des zones contestées par les armes avec le pouvoir central. Sans pouvoir accéder aux services réguliers fournis par des systèmes de gouvernance gérés par l’Etat, exposées à la violence, ces populations sont particulièerment vulnérables. Le dialogue avec les groupes armés permet d'offrir à celles-ci assistance et protection.

Tout au long de son histoire et à travers le monde, le CICR s'efforce, conformément à son mandat et aux principes fondamentaux de neutralité et d'impartialité, d'engager un dialogue avec toutes les parties à un conflit afin d'assurer l'accès aux populations vulnérables pour les besoins et services essentiels. Le dialogue avec tous les porteurs d'armes, qu'ils soient acteurs étatiques ou non, est la pierre angulaire de notre travail en tant qu'acteur humanitaire neutre et impartial.

Le droit du CICR d'offrir ses services « n'affecte pas le statut juridique des parties au conflit », comme l'énonce explicitement l'article 3 commun aux Conventions de Genève. D'un point de vue pratique, l'acceptation d'une offre de services du CICR par un groupe armé ne peut résulter que sur la base d'un dialogue et d'une relation de confiance.

Le CICR s'engage avec des centaines de groupes armés qui suscitent des préoccupations humanitaires.

La prolifération des groupes armés au cours des dernières années a créé des environnements opérationnels plus complexes, multi-dimensionnels, transversaux et en évolution permanente qui nécessitent une adaptation permanente. Cela a également entraîné un contrôle et une retenue accrus sur toutes les activités considérées comme apportant un soutien à des groupes armés non étatiques ou à des individus désignés comme « terroristes », y compris les activités menées par des organisations humanitaires impartiales telles que le CICR.

Alors que les États ont incontestablement le droit et le devoir de protéger la sécurité et le bien-être de leurs populations, les mesures antiterroristes ont un impact négatif sur l'exécution des activités humanitaires et la conduite d'une action humanitaire neutre impartiale et indépendante, notamment en entravant l'engagement avec certains groupes, ce qui empêche l'accès aux personnes les plus vulnérables.

Dans cet environnement difficile, le CICR a continué à rechercher et à engager un contact et un dialogue directs avec tous les acteurs d'un conflit donné, y compris les groupes armés non étatiques, afin d'obtenir des résultats tangibles. Ceux-ci incluent, par exemple, l'échange de prisonniers, la fourniture d'une assistance vitale aux personnes vivant dans les zones contrôlées par des groupes armés ou encore le soutien aux établissements de santé dans ces zones pour soigner les malades et les blessés.

Nous voyons chaque jour comment cette approche peut sauver des vies, protéger les personnes touchées par les conflits et défendre l'idée même de la dignité humaine, même en pleine guerre.

André Liohn/CICR

Quels sont les objectifs de notre engagement avec les groupes armés ?

  • Garantir un accès sûr aux populations touchées par les conflits armés ou d'autres formes de violence et fournir une assistance humanitaire impartiale ;
  • Instaurer la confiance et promouvoir la compréhension et l'acceptation du CICR en tant qu'organisation humanitaire indépendante, neutre et impartiale afin de lui permettre d'accomplir ses activités humanitaires en toute sécurité ; et
  • Promouvoir la compréhension des principes humanitaires ainsi que la mise en œuvre et le respect des obligations juridiques des parties aux conflits armés, c'est-à-dire le droit international humanitaire.

Que permet notre engagement ?

  • Le CICR organise régulièrement des sessions de diffusion sur les principes humanitaires et des formations sur le droit international humanitaire pour les groupes armés non étatiques à travers le monde, y compris dans des contextes hautement opérationnels tels que la Syrie, l'Irak, le Sud Soudan ou la RDC ;
  • Le CICR agit également régulièrement en tant qu'intermédiaire neutre dans la libération de civils et de membres des forces de sécurité et des forces armées détenues par les groupes armés non étatiques. Par exemple, au cours des dernières décennies, le CICR a facilité la libération de plus de 1 800 personnes détenues par les groupes armés en Colombie.
  • En 2020, le CICR a également servi d'intermédiaire neutre dans l'échange de plus de 1 000 détenus entre les autorités yéménites et le mouvement Ansarullah dans le cadre du plus grand échange de prisonniers réalisé à ce jour entre les belligérants ;
  • Ce rôle du CICR en tant qu'intermédiaire neutre a également été sollicité par les autorités pour fournir des services de base tels que des soins de santé, y compris des vaccins, aux populations vulnérables vivant dans des zones contrôlées par des groupes armés ;
  • Récemment, le CICR et la Croix-Rouge norvégienne ont commencé à soutenir les infrastructures médicales dans une province d'Afghanistan pour les personnes vivant sous contrôle de groupes armés non-étatiques. Cela comprend la réhabilitation complète d'un centre de santé (eau, électricité, gestion des déchets) et de ses salles de chirurgie, ainsi qu'un programme de formation pour le personnel médical ;
  • À Gaza en 2014, le CICR, en collaboration avec les parties, dont le Hamas, a aidé les agriculteurs locaux dont les terres ont été détruites par les combats, à se remettre sur pied en facilitant l'enlèvement des restes explosifs de guerre non explosés et le nivellement des terres agricoles endommagées.

En savoir plus sur l'engagement avec les groupes armés

  • L'engagement du CICR avec les groupes armés non étatiques. Ce document publié en 2021 explique la position et l'approche du CICR concernant l'engagement humanitaire avec les groupes armés non étatiques.
  • Blog du CICR sur la religion et les principes humanitaires (en anglais). Ce site, géré par le CICR, regroupe les informations les plus pertinentes sur l'intersection entre la religion et l'action humanitaire et nous aide à promouvoir une meilleure compréhension et acceptation du droit international humanitaire (DIH) et des principes humanitaires au-delà des clivages culturels et religieux.